Choix de l’Allemagne et fonctionnement de la zone euro
Un certain nombre des choix stratégiques ou des préférences stratégiques de l’Allemagne ont une influence décisive sur le fonctionnement de la zone euro. L’Allemagne souhaite que la politique économique soit guidée par des règles ; elle a donc imposé des règles budgétaires aux pays de la zone euro, qui certainement conduisent aujourd’hui à des déficits publics plus faibles que ceux qui apparaîtraient spontanément ; la question de nouvelles règles budgétaires, plus favorables à l’investissement public, se pose donc. Mais il faut noter que l’Allemagne n’a pas pu imposer ses vues en ce qui concerne la politique monétaire. L’Allemagne a une très forte préférence pour l’épargne (une préférence pour le présent faible) ; ceci conduit aujourd’hui à une épargne (de l’Etat et du secteur privé) très importante, le point grave étant que cette épargne est prêtée au Reste du Monde, en dehors de la zone euro, et pas aux autres pays de la zone euro. Ceci affaiblit l’investissement et la croissance de la zone euro, à court terme et à long terme. Lorsque l’Allemagne a été en difficulté (au début des années 2000), en particulier avec un problème de compétitivité-coût, elle a mené des politiques non-coopératives (rigueur salariale, baisse des impôts des entreprises) qui ont redressé la situation de l’Allemagne au détriment des autres pays de la zone euro. L’Allemagne est encore en difficulté aujourd’hui, et on peut craindre à nouveau l’utilisation de politiques non-coopératives (au lieu de politiques coopératives, comme la mise en place d’un fonds européen d’investissement). L’Allemagne est adepte de l’ ordolibéralisme (apparu dans les années 1930 à l’université de Fribourg), selon lequel le rôle de l’Etat est de fixer des règles (concurrence, protection des salariés) mais pas d’intervenir dans les choix des entreprises. Donc, pas de politique budgétaire activiste (par les investissements publics), pas de politique industrielle, pas de politique de s revenu s , pas de politique commerciale (et bien sûr Banque Centrale indépendante, stabilité des prix, équilibre budgétaire, libre-échange). Cette vue ordolibérale de la politique économique en Allemagne entre en conflit avec les intentions d’autres pays de la zone euro : politique active d’investissement public, politique industrielle stratégique, protectionnisme « intelligent ». L’ Allemagne a dû céder sur la politique monétaire : peut-elle céder aussi sur la politique budgétaire, la politique d’investissement public, la politique industrielle , l’utilisation de l’épargne en Europe, le rejet des politiques non-coopératives ?