Comment réfléchir aux décisions de la BCE dans le futur ?
En 2020, la BCE va monétiser l’intégralité des déficits publics supplémentaires dus à la crise du coronavirus, mais ce comportement pourra-t-il être maintenu en 2021 ? Prenons les questions dans l’ordre. L’arrêt de la Cour Constitutionnel le de Karlsruhe est-il un problème ? Sur le fond, les juges de Karlsruhe ont raison : la BCE n’est plus indépendante (elle pratique la dominance fiscale), elle monétise les dettes publiques, elle ne respecte donc pas son mandat. Mais la BCE a dit clairement que comme institution européenne, elle ne pouvait pas être sous la juridiction de la Cour de Karlsruhe. Cet arrêt n’aura donc pas d’effet dans la pratique. La BCE met régulièrement en avant le fait qu’elle doit assurer une bonne transmission de la politique monétaire aux économies des pays de la zone euro. Ceci implique qu’elle doit contrôler les spreads de taux d’intérêt des pays périphériques (l’élargissement des spreads conduit à des conditions monétaires restrictives dans les pays concernés alors que la politique monétaire est expansionniste). Cette politique de stabilisation des spreads est donc justifiable par cet argument. Il y a un risque de retour d’une inflation plus forte en 2021 en raison de revalorisations salariales et des hausses des coûts de production dues aux nouvelles normes sanitaires. S’il y a effectivement hausse de l’inflation, la BCE sera en difficulté (elle ne pourra plus dire que la monétisation des dettes publiques va ramener l’inflation vers l’objectif d’inflation), sauf si elle peut défendre l’idée qu’il ne s’agit pas d’inflation mais d’une marche à la hausse unique des prix due aux nouvelles règlementations sanitaires. La mutualisation du financement des déficits publics des pays de la zone euro par des émissions de la BEI, de l’ESM, de l’UE (540 Md€ en 2020, peut-être 500 Md€ en 2021) est importante politiquement. Tant que la BCE monétise tous les déficits publics, la mutualisation n’est pas utile financièrement ou économiquement. Elle deviendrait indispensable si la hausse de l’inflation forçait la BCE à réduire ses achats de dette publique. La BCE et les gouvernement s des pays de la zone euro pratiquent déjà l’helicopter money, la transformation des dettes publiques en perpétuités ; la BCE achète des dettes du secteur public et des entreprises, même de mauvaise qualité de crédit, finance les banques à un taux d’intérêt négatif. Que ne fait pas la BCE ? Des interventions de change (c’est interdit pour les pays de l’OCDE) ; des achats d’actions (ce qui pourrait avoir du sens avec l’objectif d’assurer une bonne transmission de la politique monétaire).