Est-on certain que les taux d’intérêt inférieurs aux taux de croissance sont une bonne idée ?
Depuis le début des années 2010, les taux d’intérêt à long terme sont passés en dessous des taux de croissance dans les pays de l’OCDE. Cette configuration a l’avantage évident d’assurer la solvabilité de tous les agents économiques endettés et de permettre qu’ils s’endettent considérablement. C’est pour cela qu’on approuve en général le choix des Banques Centrales d’amener les taux d’intérêt à long terme en dessous des taux de croissance. Mais n’oublie-t-on pas un certain nombre de dangers associés à cette inversion de la hiérarchie entre taux d’intérêt et taux de croissance ? Si les agents économiques en profitent pour beaucoup s’endetter, cette inversion devient irréversible, car le retour à la normale déclencherait une crise des dettes ; les Banques Centrales perdent donc la capacité de revenir à une politique monétaire restrictive, même légèrement ; on ne peut plus calculer la valeur fondamentale des actifs financiers ou immobiliers. En effet, lorsque les taux d’intérêt sont inférieurs au taux de croissance, la valeur actualisée des revenus futurs procurés par la détention de ces actifs est infinie : toute valeur pour les prix d’actifs est possible, puisqu’il n’y a plus de force de rappel vers la valeur fondamentale, et les bulles deviennent donc systématiques et permanentes ; la hausse forte des prix des actifs, due aussi à l’incapacité de calculer leur valeur fondamentale quand les taux d’intérêt sont inférieurs au taux de croissance, conduit à une forte hausse, imméritée, des inégalités de patrimoine, d’autant plus que les ménages à revenu faible détiennent surtout de l’épargne sans risque dont le rendement chute tandis que les ménages à revenu élevé détiennent les actifs dont les prix montent.