Faut-il encore s’intéresser à la règle de Friedman ?
L’argument de Milton Friedman qui conduit à la règle de Friedman est connu 1 . La monnaie est utile pour réaliser des échanges de biens et services, pour consommer. L’utilité retirée de la détention de monnaie est donc qu’elle réduit le coût des transactions. Le coût d’opportunité de la détention de monnaie est le taux d’intérêt nominal (le coût de détenir de la monnaie et non des obligations). Pour maximiser le bien-être, il faut que ce coût d’opportunité soit nul (égal alors au coût de production marginale de la monnaie qui est nul), ce qui permet aux age nts économiques de détenir l a monnaie nécessaire sans pénalisation et donc de faciliter les transactions (la consommation) et d’accroître le bien-être . Puisque, pour Friedman, l’inflation à long terme est égale à la croissance de l’offre de monnaie, il faut une contraction de l’offre de monnaie à un rythme égal à l’opposé du taux d’intérêt réel, pour que le taux d’intérêt nominal (somme du taux d’intérêt réel et de l’inflation) soit nul. Que penser de cet argument aujourd’hui ? La nullité des taux d’intérêt nominaux a permis aux agents économiques de détenir effectivement beaucoup de monnaie, ce qui a probablement accru le bien - être en faisant disparaître la pénalisation associée à la détention d’actifs liquides ; mais la corrélation entre croissance de l’offre de monnaie et inflation a disparu depuis les années 1990 ; on voit de plus d es effets de long terme de la politique monétaire sur les taux d’intérêt (nominaux et réels). Pour obtenir des taux d’intérêt nominaux nuls, il faut donc aujourd’hui, même à long terme, une croissance forte de l’offre de monnaie et non une contraction de l’offre de monnaie, et cette croissance forte de l’offre de monnaie fait apparaître des bulles sur les prix des actifs ; enfin, l’inflation faible (ou négative avec la règle de Friedman) fait disparaître le seigneuri a ge (la taxe inflationniste), donc dégrade les finances publiques. Même s’il y a effectivement un gain en bien-être pour les agents économiques associé aux taux d’intérêt nominaux nuls ( à la nullité du coût d’opportunité de détention de la monnaie), il n’est donc pas clair du tout que la règle de Friedman soit applicable aujourd’hui. 1 M. FRIEDMAN , The Optimum Quantity of Money , Mac m illan, 1969.