France : des objectifs macroéconomiques à la réforme des retraites, quelles difficultés ?
Il paraît légitime, d’un pur point de vue macroéconomique, d’avoir comme objectifs en France : de baisser le poids des retraites publiques dans le PIB, afin de pouvoir baisser le poids des cotisations sociales des entreprises, en sachant d’une part que ces deux poids sont très élevés en France par rapport aux autres pays de la zone euro, d’autre part qu’un poids élevé des cotisations sociales des entreprises est associé à un taux d’emploi faible, enfin que baisser le poids des retraites peut permettre d’accroître celui des investissements publics ; de repousser l’âge de la retraite, puisque le taux d’emploi des 60-64 ans est très faible en France, et qu’une hausse du taux d’emploi accroîtrait le PIB potentiel, le revenu par habitant, la base fiscale. De plus, la baisse du poids des retraites par répartition obtenue par le report de l’âge de la retraite a normalement comme effet favorable de faire baisser le taux d’épargne des ménages, donc de soutenir la consommation, et d’éviter d’avoir à baisser le niveau des retraites. P a rtant de cette analyse macroéconomique assez convaincante, le gouvernement français met en place une réforme des retraites qui conduit à la fois à la baisse du poids des retraites publiques dans le PIB et au report de l’âge de la retraite (d’autres effets, redistributifs, de cette réforme, sur les personnes ayant connu des interruptions de carrière ou ayant eu un revenu en faible hausse dans leur vie sont bien sûr présents). Le problème avec cette fonction d’utilité collective raisonnable supposée par le gouvernement est qu’elle ne correspond pas aux choix individuels des Français, qui souhaitent en majorité le maintien d’un poids élevé des retraites dans le PIB et d’un âge précoce de départ à la retraite. Le gouvernement a alors deux possibilités : un choix « libéral » : laisser les Français choisir librement leur âge de départ à la retraite, en neutralité actuarielle (s’ils travaillent plus longtemps dans leur vie, leur retraite est accrue actuariellement du montant des cotisations supplémentaires), même si ceci conduit à un âge trop précoce du départ à la retraite et à un poids trop élevé des retraites ; un choix « dirigiste », partant de l’idée que le report de l’âge de la retraite génère des externalités positives (sur la pression fiscale, l’emploi, le PIB potentiel, les recettes fiscales, la capacité à réaliser des investissements publics) que les Français ne perçoivent pas individuellement, pour contraindre les Français à partir plus tard à la retraite. Dans le premier cas, l’équilibre macroéconomique est moins favorable ; dans le second cas, la tension politique et sociale risque d’être forte.