TURQUIE: un jeu dangereux
Avec près de 355 000 cas confirmés de Covid-19 et 9 500 décès, la Turquie est l ’ un des pays du Moyen-Orient les plus durement touchés par la pandémie . Le nombre de nouveaux cas quotidiens a culminé à 5 000 en avril, s ’ est stabilisé en juin et en juillet, puis est nettement reparti à la hausse en août avec la levée du confinement. Après être parvenue à sortir de la récession en 2019, l ’ économie turque a énormément souffert de la fermeture des frontières et du confinement strict imposé en mars dernier. Principalement en raison d ’ un effondrement de la demande intérieure, de la paralysie soudaine du secteur clé du tourisme et de la forte baisse des exportations, l ’ activité dans le pays a chuté de 9,9% en GA au T2 2020 ( alors que la croissance avait atteint 4,5% au T1 2020) . Malgré l ’ ensemble des mesures budgétaires et monétaires mises en place pour soutenir la conjoncture, les investisseurs internationaux ont des doutes sur la capacité de la Turquie à résister à cette crise historique. La TRY a fait l ’ objet de pression s , se dépréciant de 33% contre l ’ USD depuis le début de 2020 et ayant atteint un plus bas historique de 7,984 (le 22 octobre) . Contrainte s d ’ accorder des crédits pour soutenir l ’ activité, les banques turques sont exposées à un risque croissant d ’ explosion des prêts non performants (19 Md$) en 2021 , de plus en plus d ’ entreprises pein a nt à assurer le service de leur dette lib el l ée en devises étrangères. Alors que l ’ économie mondiale cherche à se remettre et à amortir l ’ impact dévastateur de la pandémie de Covid-19, et que les pays voisins d ’ Europe s ’ efforcent de contenir la deuxième vague de contaminations, la croissance turque devrait chuter à -5% en 2020, puis atteindre + 4% en 2021 . Pourtant, la politique néo-ottomane engagée par le président Recep Tayyip Erdogan reste bien en place . Malgré une conjoncture difficile tant au sein du pays qu ’ à l ’ échelle mondiale, la Turquie n ’ a pas cessé d ’ alimenter l ’ ensemble des querelles géopolitiques dans la région . L es plus récente s ont résulté des intentions d ’ Ankara d ’ explorer les ressources en gaz naturel dans les eaux contestées de la Méditerranée orientale , qui ont entraîné une montée d es tensions avec la Grèce et l ’ Union européenne et l’interférence de la Turquie dans le conflit du Haut-Karabakh entre les Arméniens et les Azéris . L a toute dernière : la crise diplomatique survenue avec la France ce week-end. Alliée de longue date de l ’ Union européenne et de l ’ OTAN, la Turquie semble déterminée à jouer le rapport de force dans la région . Alimentant les craintes d ’ un conflit militaire aux portes de l ’ Europe, une désescalade des tensions entre la Turquie et la Grèce soutenue par l ’ UE semble actuellement peu probable. Compte tenu des dernières incursions militaires de la Turquie hors de ses frontières, le scénario d ’ un affrontement armé ne doit pas être sous-estimé. Malgré les efforts d ’ Ankara pour souligner les atouts dont dispose la Turquie pour repartir de l ’ avant, une dégradation du contexte géopolitique régional pèsera à coup sûr sur la confiance des investisseurs.